L’action de grâce du 10ème lépreux
Lc. 17, 11-19.
Seul ce samaritain revient rendre grâce alors que les neuf autres qui étaient des juifs et qui ont été guéris, ont oublié de remercier. Pourquoi ? Parce que ceux-ci, et ils nous ressemblent très souvent, étaient "habitués" : cela allait de soi, cela ne les étonnait plus. Tandis que l'autre, un étranger, un hérétique, un marginalisé, méconnu et méprisé, voici que le Seigneur le guérit. Il en est tout étonné. Et voilà ce qui provoque l'admiration de Jésus.
Et nous ? Nous, nous avons tout reçu. Nous existons : c'est extraordinaire d'exister ! Chacun de nous a reçu des dons multiples. C'est extraordinaire ! Tout cela, exister, être doté de multiples dons, bien d'autres, avec d'autres formes de foi, le reconnaissent et en rendent grâce à Dieu. Mais nous, que n'avons-nous pas reçu de bien plus extraordinaire ! Nous connaissons - et tous les jours davantage - le pardon du Seigneur qui est celui qui nous guérit de notre lèpre. Nous pouvons connaître sa miséricorde inlassable, sa patience amoureuse envers nous. Mieux, nous pouvons partager dès maintenant ce qu'il partage avec nous : sa vie, la propre vie du Père. Nous sommes déjà ressuscités au milieu de toutes les épreuves de mort que nous connaissons. Et nous savons que lui, Jésus, partage tout avec nous de cette épreuve.
Et au milieu de tout ce qui nous accable, nous sommes - et c'est un grand don gratuit - animés par l'espérance. Nous savons que nous pouvons aimer, que nous pouvons tout vivifier par la compassion de notre Père qui est répandue dans notre cœur.
Alors, devant tant d'amour gratuit, pourquoi ne rendons-nous pas grâce ? Si nous l'oublions, si nous ne sommes pas émerveillés - et continuellement - de ces dons de notre Dieu, c'est parce que nous sommes emplis de nous-mêmes, nous sommes riches. Quand nous ne rendons pas grâce, nous ne sommes pas humbles, nous ne sommes pas étonnés d'exister par pure gratuité, par pur amour. Les vrais pauvres sont sensibles au moindre geste gratuit. Alors que les repus de ce monde n'y font même pas attention. Ceux qui souffrent sont touchés par la moindre attention à leur égard. Or avec Jésus, combien ne devrions-nous pas être étonnés, touchés de tant de prévenances, sensibles à tant de dons ?
Rendre grâce, cela doit devenir le mouvement de fond de notre cœur. Et le fond de vérité de notre être, de notre vie nouvelle, c'est d'être humble, c'est-à-dire émerveillé d'exister et d'être pardonné par pure grâce. L'action de grâce est la forme vivante et jaillissante de notre humilité. Elle est le mouvement qui devrait dilater notre cœur, jusqu'en ses racines, quels que soient les fatigues, les soucis, les souffrances qui nous accablent. Car le fond de notre "être nouveau" est cette humilité confiante : nous sommes aimés, donc nous pouvons tout vivre dans l'amour.
J. Corbon, Extrait de : « Cela s’appelle l’aurore. », p.198-199. Avec coupures.